14/04/2013

INTERVIEW: Noo-Bap

Ça faisait longtemps.

J'ai pu avoir une conversation avec le garçon qui se cache derrière le nom de Noo-Bap. Il a beaucoup parlé de sa ville, une des plus grandes du Canada et m'a expliqué certaines de ses particularités. On a aussi abordé des sujets qui reviennent souvent, mais ce qui était cool, c'est de découvrir une tout autre vision sur ces choses que sont la musique et internet. Alors je vous invite à les découvrir à votre tour, tout en écoutant les morceaux calmes, mais mystérieux de Noo-Bap.


MONTREAL
Niveau musique, ici, on trouve beaucoup d'artistes, surtout de hip-hop, et des producteurs qui touchent tous les genres. "Et la musique ambiante ou le Piu Piu, comme on l’appelle dont on va entendre parler si on se renseigne sur Montréal". Un jour, pendant un set, Vlooper a crié "'we make Piu Piu music", et le Piu Piu s'est répandu à la centaine d'artistes qui se sont jusqu'à maintenant placés sous l'étiquette Piu Piu. "Basically c'est de Montréal, si tu fais musique sur ton laptop tu fais du Piu Piu. C'est vraiment le son de Montréal".

Et justement, c'est grâce à cette communauté Canadienne, qui se tourne également vers la France que Noo-Bap a fait connaissance avec Dream Koala et sa musique. Plusieurs mois après la sortie de la Piu Piu Beat Tape Vol. 2, Noo-Bap sort un remix d'un morceau de Dream Koala, un "bricolage" génial du track We Can't Be Friends, qui rend très bien.



Sinon, au Québec, "c'est définitivement la culture française qui domine, à l'extérieur de Montréal, l'esthétique change complètement, les gens s'habillent pas pareil, Montréal ressemble beaucoup plus à Paris, c'est plus européen qu'américain. Si tu compares Montréal à n'importe quelle ville du Canada ou des Etats-Unis, tu vois vraiment que Montréal ou New York sont les villes qui ont le plus le style européen. C'est définitivement pour ça qu'il n'y a que le Piu Piu à Montréal. On inscrit notre genre, on a notre propre identité.

Je pense pas que beaucoup aillent en Europe pour exporter ce qu'on fait, y a pas d'artistes qui l'ont fait, en tout cas, not that I've ever heard of, à mon avis ça se limite beaucoup à Montréal pour l'instant, c'est dommage.
"C'est assez récent, c'est peut-être pour ça"
Ouais, y en a qui sont là depuis un bout, mais je sais pas pourquoi ... un beau jour on va être reconnus internationalement. C'est cool que ça reste local, parce qu'on s'auto-alimente. Genre entre nous on développe notre identité et notre son. C'est cool aussi parce qu'on a une culture vraiment différente du reste du Canada et ça ressort dans la musique.

Aussi, la musique ça tire un peu de partout, y a beaucoup de monde qui veut vivre à L.A. C'est normal d'aimer L.A. et de vouloir vivre là-bas, c'est le lifestyle. Moi je me verrais bien bouger en hiver, mais sinon, c'est vraiment nice à Montréal, j'adore ma ville. Je pense que les gens en dehors de Montréal sont down pour ce qu'on fait, je pense que Montréal devient une des grosses villes pour ce genre de musique avec le Piu Piu. Le Piu Piu ça devient vraiment un mouvement qui reach plus que Montréal, y a du monde qui est au courant des projets qui se passent ici et des artistes qui sont ici.


NOO-BAP
Quand je fais de la musique c'est vraiment perso. J'ai déjà essayé avec des amis de faire de la musique, ça marche pas vraiment, je suis plus un gars qui ferait des collabs avec moi-même. C'est plutôt quand j'arrive chez moi drunk après un vendredi soir, ça se passe en trente secondes, vraiment sur le coup, puis après je travaille en long terme. Des mois et des mois pour faire des petits détails, de l'arrangement
Quand j'ai démarré, j'avais comme quinze ans, j'ai commencé à jouer de la bass à quatorze ans. Quand j'ai commencé à faire du beat c'était purement hip-hop, tu sais, genre boom bap, avec des drums. Après j'ai commencé à être influencé par des gens comme Kenlo, sinon j'écoutais beaucoup de funk, c'était une grosse influence. Avant tout ce qui était comme weird, j'étais un peu plus conservateur, c'est un genre de musique qui ouvre l'esprit, tout ce chillwave ou expé ou lo-fi maintenant. En ce moment je suis sur un gros trip de Toro y Moi, Kenlo. Kenlo au niveau technique est super impressionant. Et puis fLako.



Sinon j'aime beaucoup faire du live, j'ai pas beaucoup d'expérience mais j'aime ça, j'aimerais trouver façon d'avoir un aspect plus live que de jouer de la musique et pousser boutons. Quelque chose de plus visuel, et j'aimerai chanter. En ce moment le live set est pas intéressant.

Je travaillais sur un clip aussi, c'était moins un clip qu'un genre de vidéo genre bricolage visuel. Je ferais pas de clips, je pense. Tous mes visuels je les fais moi-même donc je ferais ça définitivement tout seul. Je suis vraiment personnel dans mon truc : je fais les covers de mes albums, je fais pas écouter mes prods à quelqu'un avant de les sortir. Mes amis s'intéressent trop pas à ma musique, ça reste dans ma chambre et puis à un moment donné ça sort sur internet.

J'aimerais bien faire quelque chose de pas ordinaire. Ça serait trop beau de faire une B.O., j'adore les soundtracks en plus, ça doit vraiment être sympa. J'aime beaucoup la musique de films, parce que ça donne une dimension vraiment pointue. Surtout quand ils font des compositions ou des scores faites précisément pour ce film-là.
Dans le film de ma vie, je mettrais beaucoup de fusion, du jazz des années 70. J'ai des phases où j'écoute certains genre de musique, mais le jazz ça restera toujours-là. Flora Purim, c'est le genre de chillwave le plus early, c'est vraiment ce genre de musique là que je mettrais dans un film sur ma vie. De la musique joyeuse et enchantante.



J'écoute beaucoup de musique instrumentale, ce que j'aime avec cette musique, c'est que ça t'impose pas une idée, ça laisse à la personne qui l'écoute le choix de vivre la musique de la façon dont elle veut. Quand t'as les paroles, c'est un peu comme si tu prenais un beat instrumental et ça te fait penser un peu à un nuage. Et deux mois après y a quelqu'un qui va chanter dessus et qui parle des écureuils. Ça fuck un peu tout ce que t'avais imaginé, toutes les belles choses auxquelles ça te faisait penser ou ressentir. Ça t'as carrément imposé quelque chose avec l'écureuil, basically, quelque chose de carrément différent.
Ce qui est fun avec les morceaux qui sont vraiment bons, je trouve que c'est ceux qui un jour tu l'écoutes et t'es heureux, puis un autre jour tu l'écoutes t'es triste. Le morceau est tellement plein d'émotions, mais c'est rien de spécifique. C'est ça qui fait une bonne pièce, ça fait bien dans le contexte. C'est nice aussi d'avoir des shits qui sont vraiment précises, j'écoute pas beaucoup de musique triste, mais si quelqu'un aime écouter de la musique triste, il met ce joint-là quand il est triste puis, everything is fine. Y a des choses vraiments mystérieuses, t'es dans une situation comme si t'étais dans la forêt à trois heure du matin.
J'aime beaucoup le vibe naturel, exotique, un peu. Comme Inclosure de fLako, quelque chose d'assez ambiant, spacy, ou le nouveau LP de FlyLo. C'est une musique qui a son propre univers, la musique est elle-même.

La température dehors affecte beaucoup ce que j'écoute. Mais quand j'écoute de la musique, chaque chanson me fait penser à quelque chose de différent, et je renvoie la même chose pour les gens qui vont m'écouter. C'est à toi de vivre ça comme tu veux. Je pense pas à quelque chose de particulier quand je fais un morceau. Mais ça dépend, je pense que si tu fais de la musique, t'es naturellement affecté par ton humeur, par la température dehors et plein d'autres choses. Je me vois pas écrire quelque chose en pensant à ma mère, genre. Généralement je fais ça avec whatever comes out, je repense peut-être un peu à ma journée mais c'est tout.
Je fais beaucoup de musique au bord de l'eau, j'habite au Nord de l'île (de Montréal) je suis comme à cinq minutes de la rivière, et souvent l'été je passe là. Ça m'affecte beaucoup, d'être dehors, dans la nature, c'est pour ça que je hais l'hiver, parce que je reste à l'intérieur. Ça m'affecterai énormément de jouer dans un pays différent. J'ai pas fait de la musique ailleurs. J'ai été en Afrique du Sud, j'aimerais y retourner juste pour faire de la musique, je sais pas comment ce sera, mais je sais que ça sera vraiment différent, ça serait vraiment bizarre. Je serais sûrement près à faire quelque chose à l'opposé de ce que je fais d'habitude. Un des mes rêves c'est d'acheter tous les instruments qui existent et de faire des sons




LA MUSIQUE, LES KIDS, INTERNET

Par rapport à la musique de plus tard, je suis déjà épaté par ce qui sort aujourd'hui, plus tard je pourrais même pas imaginer ce qui sortira. C'est difficile d'imaginer les couleurs, mais "that shit gon be cray" sûrement. On pourrait avoir des shows avec pas seulement du visuel et du son mais t'as quelque chose de sensoriel, je sais pas. Par exemple, j'ai vu FlyLo en live, c'était mindblowing. Y avait un écran hologramme devant lui, tout ça. C'est nice d'avoir une expérience complète de la musique, une expérience visuelle. A Montréal y a vraiment du beau monde, pendant les shows y a vraiment une bonne ambiance, tout le monde se connait et ça affecte la qualité d'une soirée.

Avec les artistes de maintenant, y a quelque chose de nouveau et c'est toujours fun. En ce moment, y a beaucoup de mélanges de différents genres de musique, de beaux mélanges. Y a plus vraiment de genres, c'est juste de la musique qui sort.
Je trouve que ce serait super que je puisse apporter quelque chose de nouveau. Côté composition y a des artistes qui arrivent à écrire des détails, et changer des trucs dans les gammes. Je saurais pas expliquer, je voudrais essayer d'amener le plus au beats. C'est fun d'avoir une grosse bass et un gros snare mais on peut avoir plus de contenu musical.
C'est plus facile d'explorer avec le genre électronique, we can do whatever the fuck we want. Tu vois maintenant tout le monde fait des choses un peu weird avec la technologie. Alors que dans une autre époque si tu voulais t'embarquer dans la musique c'était moins évident. Maintenant , t'as des logiciels supers simplifiés, y a pas de notes, juste des petits carrés.

Les jeunes qui font de la musique, c'est fun, c'est bon, c'est super intéressant. Mais t'imagines le kid qui vient de terminer un beat et qui met ça sur soundcloud c'est quasiment trop accessible, c'est trop facile. La musicalité je pense pas que c'est quelque chose que tout le monde a, mais tout le monde a un laptop.
J'écoute pas les kids, je préfère écouter les grands maîtres. J'aime mieux regarder en haut qu'à côté. Je pense que naturellement les pas bons vont s'en rendre compte, et vont arrêter. Et ceux qui sont bons hopefully ils continuent, et font grande carrière. C'est sûr que soundcloud, et internet en général c'est super bon et super mauvais, comme les logiciels où on peut mettre les petits beats.



Noo-Bap, 19 ans
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