29/08/2012

INTERVIEW: Moonkay

Elle est si douce et délicate la musique de Moonkay, d'une beauté stupéfiante, à couper le souffle. C'est l'oeuvre d'un génie, d'un petit prodige de seize ans, et j'ai eu l'honneur de pouvoir échanger avec lui. Derrière Moonkay se cache quelqu'un qui en plus d'être impressionnant - avec sa capacité à pouvoir apprendre un grand nombre de choses de lui-même et son parfait usage de l'anglais - est vrai et sympathique. Autant dire que ce fut très agréable de pouvoir discuter avec lui, voilà pourquoi j'invite à ma suite, à écouter ses productions et en apprendre plus sur lui.



MOONKAY x FLORENCE
Même s'il a vécu durant la plus grande partie de sa vie à Florence, ville où peu sont musicalement curieux, où "la musique de Madonna et Jennifer Lopez sont incroyablement populaires. Tout ce que t'entends, c'est de la techno à la radio", rien n'a empêché Moonkay de créer la musique qu'il voulait, et écouter ce qu'il voulait. Esquive assez aisée quand, comme lui on avait la possibilité de fuir vers l'Angleterre, et maintenant d'y vivre. "L'Angleterre c'est mieux, ils sont beaucoup plus ouverts à différents genres musicaux et aux artistes à suivre"

MOONKAY x LES DÉCOUVERTES
Comme Florence n'est donc pas la ville idéale pour découvrir de nouveaux artistes, c'est plutôt par hasard qu'il a découvert ceux qu'il apprécie le plus maintenant : "j'ai découvert des artistes comme Shlohmo ou Baths par accident, je traînais dans l'internet, et j'ai accidentellement cliqué sur Lovely Bloodflow de Baths. Je suis tout de suite tombé amoureux de ce morceau et ça m'a totalement ouvert à ce nouveau genre. C'était il y a à peu près un an, peut-être un an et demi. Avant j'écoutais surtout du dubstep, j'en écoute toujours un peu, mais moins de la moitié de ce que j'écoutais avant".



MOONKAY x LES INSTRUMENTS
"Je fais des percus depuis toujours, aussi bien que je m'en souvienne, je jouais du bongo quand j'avais cinq ans et mon amour pour les percus n'a cessé de grandir jusqu'à ce que j'aie tout un drum set. Quand j'avais douze ans, j'ai commencé à prendre des cours de piano et ce fut comme une révélation. Quand tu joues de la batterie, t'es satisfait de ce que tu peux faire. Avec le piano c'est comme si tout un monde de possibilités s'ouvrait à toi. J'avançais tellement vite qu'en deux ans j'avais déjà le niveau d'élèves de ma prof qui jouaient depuis six ans ou plus. Même si je ne sais pas lire une partition du tout, j'apprend tout à l'oreille. Quand j'ai eu quatorze ans, j'ai appris la guitare, tout seul pendant à peu près un an. La même année, un ami a amené sa basse en cours et à chaque fois que je pouvais, j'y jouais. Enfin, j'ai pris des cours de basse, pendant environ une année, jusqu'à maintenant".
"Je ne dirais pas qu'il y ait tant de différence [entre un instrument que j'aurais appris à jouer tout seul ou un qu'on m'aurait appris]. La différence nette serait que je suis pratiquement sûr que je ne joue pas correctement des instruments que j'ai appris à jouer tout seul. J'ai joué de la basse pendant à peu près six mois avant de prendre des cours et je pensais que j'étais très bon. La première fois que j'ai montré à mon prof ce que je savais faire, il m'a dit que c'était bien mais que je devais surtout tout reprendre depuis le début pour mettre mes doigts correctement et tout. Je suis sûr que si je venais à un cours de guitare ils critiqueraient ma manière de jouer"

MOONKAY x LA PRODUCTION
"Il y a incontestablement des artistes auxquels je me réfère pour m'en inspirer, par moments. Parfois je fais des sessions durant lesquelles j'écoute différents artistes et j'essaye de dégager ce qui fait que j'apprécie tant ce morceau. Et parfois, je prend ce qui me plait beaucoup dans un morceau et le met dans les miens. Même si mes influences les plus importantes seraient plutôt Shlohmo, Sekuoia, Bibio et Purity Ring" "et ensuite tu y ajoutes les instruments et tout le reste" "Ouais, je n'ai pas vraiment d'instrument de référence, toutefois j'ai l'habitude de commencer par jouer quelque chose à la basse puis j'y ajoute une couche de synthé ou une mesure de batterie. Je n'ai pas vraiment de modèle ou quoi que ce soit pour faire mes morceaux"
"Je pense que ma musique fais ressortir une toute autre facette de ma personnalité. On me dit souvent que je suis drôle mais je trouve ma musique attristante. Pas l'attristant qui te fait pleurer, mais l'attristant qui te fait réfléchir. Je veux que ce soit le genre de chose qui, quand le morceau est terminé t'arrêtes et te fais réfléchir. Beaucoup de personnes me parlent de ma musique comme quelque chose de beau et c'est plutôt le genre de réaction que j'attends"
"Je fais beaucoup de choses quand je produis. Je passe énormément de temps à essayer de trouver le son exact ou le riff exact, ou de rendre la partie de batterie assez delayed pour que ça sonne exactement comme je le veux. Quand je finis un morceau, je le laisse toujours une journée, puis je l'écoute le jour suivant pour voir si ça me fait réfléchir, si ça ne se fait pas, je ne le met pas sur internet parce que je ne pense pas qu'il est assez bon"



MOONKAY x L'INTERNET
"Est-ce que tu penses que tout le monde peut faire de la musique, la mettre sur internet et ensuite avoir des gens qui écoutent et apprécient et en parlent comme si tout venait facilement ?"

"Non pas du tout, je crois vraiment qu'avec toute la technologie et tout, maintenant tout le monde peut faire de la musique, s'ils samplent ou font des beats. Mais pour trouver des auditeurs c'est totalement différent. J'ai envoyé ma musique à plein de personnes et de blogs en cherchant des gens qui l'apprécieraient. Je ne pense pas que tu puisses mettre un morceau sur soundcloud et attendre que les gens accourent et aiment ton morceau"
"J'adore voir qu'on parle de ma musique, ça me met vraiment de bonne humeur. Au début j'angoissais un peu de mettre quoi que ce soit en ligne, parce que je n'avais aucune idée de ce que diraient les gens. Mais ils ont tous dit des choses très sympas, et j'ai eu beaucoup de soutien de la part d'autres artistes comme jgekko et s_ence. Quand j'ai commencé à poster de la musique, jgekko m'a demandé si je voulais faire partie de son label sur l'internet, Eden Deeply et ça m'a énormément aidé"
"Chacun a un but particulier en faisant de la musique. Certains font de la musique pour gagner de l'argent et d'autres en font pour s'exprimer. Je donne gratuitement ma musique pour que tout le monde puisse la télécharger et l'écouter. J'aime bien m'exprimer et j'espère que les gens apprécient le résultat final. J'ai un bandcamp pour que les gens puissent donner de l'argent s'ils le souhaitent, mais c'est complètement optionnel. J'aimerai faire de la musique mon travail, mais pour me faire de l'argent, ce serait en faisant des concerts. Si possible, dans le futur, j'essayerai de mettre un prix sur ma musique mais je prévois de toujours sortir une partie de ma musique gratuitement. En plus il y a tellement de moyens de télécharger illégalement que la moitié de la population achète de la musique aujourd'hui"

"Qu'est-ce que tu penses du téléchargement illégal ? C'est toujours quelque chose d'assez compliqué"
"C'est assez délicat. Je dois dire que je supporte le téléchargement illégal, mais je ne télécharge jamais la musique des nouveaux artistes. Je dois plutôt les soutenir parce qu'ils essayent de vivre de la musique et n'ont pas les millions qu'ont les autres artistes"


MOONKAY x LE FUTUR
Pour la manière dont tout cela va évoluer, "J'imagine que les labels continueront de sortir des CDs, mais il y aura moins de personnes pour les acheter. Les artistes se font plus d'argent avec les concerts de nos jours. J'aime pas trop les CDs, j'achète des vinyles, j'adore la sensation que ça procure et la qualité du son est super"

"Est-ce que tu espères changer les choses dans la musique, plus tard ? Quel est ton but dans tout ça ?"
"J'aimerai que mon nombre d'auditeurs augmente. Quand je parle de la musique que j'écoute à mes amis, ils aiment bien et veulent en entendre plus. Tout le genre du moment est trop lo-fi et si ça passait sur de grosses radios qui ont beaucoup d'audience, je pense que beaucoup de personnes en tomberaient amoureux.
Personnellement, j'aimerai signer un contrat dans le futur. Avec le label Friends of Friends j'adorerai, parce que j'aime ce qu'ils sortent.
Ouais, je voudrais bosser avec des gens qui font de la bonne musique. Être un artiste solo veut dire que tu n'es pas dans un groupe donc tu n'es pas avec d'autres personnes qui partagent ta vision de la musique. Je voudrais rencontrer des gens qui font le même genre de musique que moi. Comme Flying Lotus, parce qu'il a accompli tellement de choses avec sa musique et son label Brainfeeder. Mais ce serait aussi bien de parler avec de jeunes artistes, c'est génial de partager mes méthodes de production avec d'autres musiciens.
J'ai déjà eu la chance de partager quelque chose avec des artistes. J'ai eu un peu d'aide de la part de Sekuoia et Roof Light et j'ai pu partager mes méthodes de productions avec mon ami if i had a hi fi. Ça m'intéresserai de collaborer avec Roof Light mais je ne sais vraiment pas s'il accepterait. Pour le moment j'ai une collab de prévue avec Machines and Handguns et je travaille sur un remix pour un album. Mais je n'ai pas le droit pour l'instant de dire de quel album il s'agit et par qui"



MOONKAY x GOLD PANDA
Pour finir, s'il devait choisir un morceau "ça devrait être Quitters Raga de Gold Panda. Déménager, se préparer pour un nouveau lycée, produire des tracks, avec tout ça ma vie est devenue plutôt dingue : ce morceau est aussi comme un énorme désordre, mais d'une certaine manière, les choses arrivent à concorder"

Quitter's Raga by Gold Panda on Grooveshark

Un dernier mot, Jordan a très récemment décidé de lancer son propre label/collectif et cherche donc des artistes aussi doués que lui pour le rejoindre. Le label s'appelle The Roomers, et il attend les propositions de démos.


09/08/2012

INTERVIEW: Damion Esquire

Je suis tombée sur les morceaux de Damion Esquire via Observer Drift. Damion Esquire et Observer Drift, c'est un peu la même musique, hors du monde, hors du temps, ailleurs.
Du coup j'ai cherché à savoir ce qu'en pensait Damion de cette musique en dehors de tout et d'où elle vient réellement.
Malgré un  dialogue assez difficile, Damion m'a presque donné ce que je cherchais.

Même si, alors que notre conversation commençait à peine, le jeune homme de 18 ans écoutait "Cannons" de Youth Lagoon, il est loin de rester cantonné à des genres semblables à cette dreampop (comme on l'appelle). Il prend le temps de citer quelques artistes qu'il aimait bien à leurs débuts, mais "qui ont fini par devenir lassants à force de trop passer à la radio" : Foster The People et Adele par exemple. Et peu importe si le mec qui veut paraître cool s'en offusque, finalement ce n'est pas ce qui importe pour lui, puisqu'il insiste sur le fait qu'il les trouve toujours talentueux malgré la lassitude qu'il ressent à leur égard. Pour lui, le parfait musicien, "c'est celui qui joue de la musique parce qu'il aime le faire, pas parce qu'il veut qu'on le connaisse, un musicien dont tu vois l'émotion en lui quand il joue. Vraiment, quelqu'un qui peut changer tes émotions juste en l'écoutant". Et Damion, dans sa musique ne cherche pas forcément à faire ressentir une émotion spécifique, mais il aime bien "le sentiment de détente, un peu dynamique et joyeux qu'il ressent quand il écoute une chanson qu'il aime et dans laquelle il se perd", autant qu'il se base sur certains évènements de sa vie, les idées qui lui passent par la tête, ou l'histoire derrière chaque morceau pour savoir où nous placer lorsqu'on l'écoute.



"Le plus souvent quand je commence à écrire une chanson, je commence avec un son et j'essaye de trouver quelque chose qui semble intéressant et différent de ce que j'ai entendu auparavant. Ensuite je me penche plus sur ce son jusqu'à ce que j'aie quelque chose que j'aime vraiment. Puis j'y ajoute une idée avec des paroles ou des voix du genre. Parfois, j'ai une idée que j'aime vraiment et j'essaye d'écrire la musique qui s'accorde avec le ressenti de cette idée."

Le processus de création de Damion est loin d'être semblable à celui de qui que se soit, lui-même le dit : "je sens qu'étant plus jeune, j'ai moins d'expérience et encore beaucoup à apprendre sur la musique et sur les choses en général. Alors quand je crée quelque chose, je ne suis pas exactement sûr de comment le faire, je le fais juste à ma manière. Et j'ai toujours le sentiment que ma musique n'est pas assez développée alors je m'accroche à ça autant que je peux et essaye de le rendre aussi parfait que possible. Quand j'enregistre, mon but est d'avoir un morceau dans lequel on se perd. J'imagine que je suis un petit peu perfectionniste, mais je n'ai jamais l'impression que c'est parfait, je fais juste de mon mieux"
Mais il passe tout de même beaucoup de temps à bosser sur ses tracks "je pourrais passer des heures dessus, certains musiciens peuvent écrire un bon morceau en à peu près une heure, mais je ne peux pas. Je veux vraiment développer un morceau. Très souvent, ce que je commence à écrire est totalement différent de ce que je viens de finir. Je n'ai pas beaucoup de temps pourtant, alors j'espère vraiment que j'aurais plus de temps pour travailler mes idées." En effet, Esquire se décrit comme quelqu'un qui passe trop de temps à penser au cours et pas assez à la musique.

photo : Cayan Brock


La musique d'un garçon occupé, qui s'échappe réellement dans ce qu'il crée, loin de toutes les contraintes de la vie, et y met tellement de coeur et s'y prend tellement bien qu'à notre tour, lorsqu'on l'écoute, on est transporté loin de tout, dans son imaginaire, dans un autre monde.
Damion aimerait même pousser la chose jusqu'au bout, étant fasciné par les tempêtes et les orages, il souhaite vraiment incorporer dans ses productions le bruit de la pluie ou de la nature. Et même, jouer dans les bois, parce que "des endroits comme ça donnent une toute autre atmosphère, vraiment chill et posée". Mais lorsque lui va voir d'autres artistes en live, que ce soit en salle ou non, ça n'a pas tant d'importance, même si "certains endroits donnent une interprétation différente des choses parfois, la bonne musique est celle qui peut être jouée n'importe où et te donnera toujours l'impression d'être autrepart. La musique que j'aime le plus est celle qui d'une part fait voyager et d'autre part te connecte à celle-ci et dont tu peux réellement sentir l'émotion qu'elle contient"
Comme exemple et pour clore notre conversation, Damion me fait une jolie liste : "Indian Summer" de Jónsi & Alex (ou n'importe quel track tiré de l'album Riceboy Sleeps), "Your Hand In Mine" d'Explosions In the Sky ou "Varúð" de Sigur Rós.

05/08/2012

Zadeh

On s'y perd vraiment avec Zadeh, histoire de se situer un peu dans tout ça, Zadeh, au départ était le projet solo de Samir Alikhanizadeh, le prodige de 15 ans qui se cache derrière Happa et son électronique qui secoue légèrement. Difficile de savoir lesquels des projets Happa et Zadeh a démarré en premier, au départ, ils se ressemblaient tellement que ça n'avait pas d'importance. Puis Samir a décidé qu'il pouvait faire de l'électronique plus calme en utilisant le nom de Zadeh.



Zadeh c'est la douceur, c'est le calme, ce sont de nouveaux paysages, un feu d'artifice de surprises, les choses les plus délicieuses de la vie qui parfois deviennent mauvaises quand on y goûte trop. Un périple à travers soi-même, un voyage dans un navire qui fièrement brave les vagues, une lutte contre ses sirènes. Une traversée dont on ressort changé et grandi, un tourbillon de sentiments, des émotions en simultané, des centaines de choses à la fois, c'est Zadeh.




La plupart de ses morceaux ayant été supprimés de soundcloud, je n'ai pas grand chose à partager. A part deux-trois morceaux très beaux, très doux, que j'ai sur mon disque dur. Envoyez un petit mail à maeva@inthenameofthekids.com si ça vous intéresse.